Voici une expérience réalisable à la maison ou dont le récit peut égayer des discussions. Elle rappellera à certains un vieux casse-tête de baignoire qui se vide et se remplit. Le problème est simple : à quelle vitesse une baignoire se vide lorsque l’on ouvre la bonde ? Facile ! répondront les plus physiciens. Une formule de 1644 due à l’Italien Evangelista Torricelli, et démontrée par le Suisse Daniel Bernoulli en 1738, dit que la vitesse de vidange est proportionnelle à la racine carrée de la hauteur d’eau dans la baignoire.
Mais les adeptes du bain auront remarqué qu’un tourbillon se crée aussi, aux conséquences inattendues, jusqu’aux travaux d’Aurore Caquas, jeune recrue du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) qui a consacré sa thèse à ce phénomène. « Ces tourbillons n’apparaissent pas que dans la baignoire. Dans les réacteurs nucléaires à sodium liquide, par exemple, ils peuvent entraîner du gaz susceptible de perturber le fonctionnement. Cette physique était mal comprise », souligne la physicienne.
Dans un article de 2023, elle a montré que plus le tourbillon est intense, plus la vidange est lente. Puis ce 4 juin, dans Physical Review Fluids, elle passe d’une baignoire à une bouteille avec ses collègues du CEA et de l’Ecole nationale supérieure de techniques avancées. C’est-à-dire qu’elle étudie un réservoir fermé. Et ça change tout. « J’ai été surprise. Je n’attendais pas quelque chose d’aussi subtil », note-t-elle. Car, chacun peut le constater, retourner une bouteille pleine pour la vider ne crée pas de tourbillon mais de grosses bulles qui font « glou-glou », engendrant un écoulement intermittent. Tourner la bouteille semble faciliter la vidange, mais pas toujours.
Un mince jet d’air cylindrique
Pour éclairer cette situation, la chercheuse a multiplié les expériences dans un réservoir transparent en Plexiglas de 39 centimètres de haut et de 29 de large, percé au fond de trous de tailles ajustables et posé sur un plateau tournant jusqu’à 10 tours par minute. Quelques gouttes de chlore dans l’eau assurent que des micro-organismes n’ajoutent pas de la viscosité à son écoulement. Une caméra filmait pour repérer l’apparition de bulles ou de tourbillons. Voici ce qu’elle a vu.
Sans rotation, comme avec une bouteille, c’est le glou-glou. Des bulles se forment. Pourquoi ? Le liquide s’écoule, baissant la pression d’air dans la partie supérieure et au niveau du goulot. La pression chute, devenant plus faible que la pression atmosphérique, permettant ainsi à l’air de rentrer par le goulot. Des bulles gonflent, remontent et redonnent un peu de pression, ce qui arrête les bulles et fait couler l’eau. Etc. L’écoulement est très lent et intermittent.
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