Dans les Caraïbes, la lutte contrariée des militants LGBT pour la dépénalisation de l’homosexualité

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Des milliers de Jamaïcains organisent une manifestation contre la communauté locale des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) à Half Way Tree, Kingston, le 29 juin 2014.

Une défaite en Jamaïque, puis une autre à Saint-Vincent-et-les-Grenadines : dans les Caraïbes, les militants LGBT ont été tenus en échec à deux reprises en l’espace de quelques mois, dans leur lutte pour obtenir, devant les tribunaux, l’abrogation de lois qui punissent de lourdes peines d’emprisonnement les relations homosexuelles dans plusieurs pays de la région.

Vendredi 16 février, la Haute Cour de justice de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, saisie en 2019 par deux hommes qui ont fui leur pays en raison de l’homophobie qui y prévaut, tranchait en faveur du maintien de deux articles du code pénal de 1988 qui interdisent les rapports intimes avec une autre personne du même sexe. Dans ce petit pays du sud des Caraïbes, ce délit est passible de dix années de réclusion. Ces dispositions sont « raisonnablement justifiées » pour préserver les bonnes mœurs « qui ont présidé à l’élaboration de la Constitution et qui sont omniprésentes dans la société », a écrit la juge Esco Henry. La magistrate a également invoqué dans son jugement de 90 pages, la nécessité d’éviter « une avalanche incontrôlée de nouveaux cas de VIH » dans ce micro-Etat de 110 000 habitants.

« C’est une parodie de justice », s’émeut l’avocat Jeshua Bardoo. Une dizaine d’églises, regroupées au sein d’une « coalition chrétienne », ont été autorisées par la juge Henry à se joindre au procès en tant que parties intéressées, aux côtés du gouvernement. « De l’hypocrisie, tance Me Bardoo, fondateur d’une ONG locale de défense des droits humains. De nombreuses pratiques contraires à la religion, comme les relations sexuelles hors mariage ou l’adultère, sont monnaie courante à Saint-Vincent, mais personne ne réclame leur criminalisation. »

Cette décision de la plus haute juridiction du pays survient moins de quatre mois après une décision similaire de la Cour suprême de la Jamaïque. Le 27 octobre 2023, cette instance rejetait un recours contre les articles 76, 77 et 79 du code pénal jamaïcain, hérités d’une loi coloniale de 1864 qui punit de prison et de travaux forcés « le crime abominable de sodomie ».

Perpétuité au Guyana

Ces deux revers successifs mettent fin à une série de victoires des organisations LGBT devant les tribunaux dans les Caraïbes : entre 2016 et 2022, cinq pays de la région ont abrogé leurs lois prohibant les relations homosexuelles à la suite de décisions de justice. A ce jour, de telles dispositions restent en vigueur dans six pays caribéens, tous membres du Commonwealth. Plus draconienne, la législation du Guyana prévoit la réclusion à perpétuité.

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