Au Maroc, le renouveau d’un christianisme aux accents subsahariens

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Yeux clos, mains jointes, corps se balançant au rythme des suppliques du chœur – « Dieu, ne nous laisse pas tomber ! » –, le cénacle de fidèles est plongé dans une intense émotion. Ici et là, un doigt essuie une larme. Ce dimanche 28 janvier, l’Assemblée des missionnaires de Jésus-Christ célèbre son culte hebdomadaire dans un appartement situé en sous-sol d’un immeuble de Riad El-Oulfa, un quartier populaire de Casablanca. « Amen ! », « Alléluia ! », « Dieu soit loué ! » : les acclamations bibliques fusent, tandis que quatre jeunes choristes, vêtues d’un caftan orné de la main de Fatima, interprètent avec ferveur des cantiques, à grand renfort de déhanchements. Ambiance gospel incandescente.

Culte dominical dans une « Eglise de maison » installée dans un ancien parking désaffecté, à Salé (Maroc), le 11 février 2024.

Après le chant des louanges, Ferdinand Kouassi, l’assistant pastoral, main levée sur son pupitre, apostrophe ses ouailles endimanchées : « Nous sommes tous dans le bateau de Jésus. Mais quand soufflera le vent, seras-tu en mesure de garder la foi ? Quand éclatera la tempête, resteras-tu fidèle à ton Dieu ? » Ivoiriens, Congolais, Gabonais, Togolais, Nigérians… tous, parmi la cinquantaine de fidèles, sont originaires d’Afrique subsaharienne.

Le pasteur Silas, veste fuchsia passée sur une chemise lie-de-vin, observe du coin de l’œil son disciple aux commandes du culte. Cet Ivoirien qui travaillait comme cuisinier dans un restaurant de Casablanca a fondé cette Eglise en 2020, après avoir entendu dans un « songe » la « voix de Dieu » lui intimant : « Commence ici l’œuvre ! » Le nom de son « œuvre », l’Assemblée des missionnaires de Jésus-Christ, s’affiche aujourd’hui en lettres géantes sur la banderole tendue derrière l’autel, assortie d’un verset de l’Evangile selon saint Matthieu : « Allez, faites de toutes les nations des disciples. »

Phénomène spectaculaire

L’Eglise du pasteur Silas, à Casablanca, n’est que l’une des manifestations d’un phénomène bien plus large au Maroc, celui des « Eglises de maison » (car nées dans des appartements privés) d’obédience néopentecôtiste ou charismatique, issue du protestantisme africain. Leur essor depuis les années 2000, nourri par les flux migratoires en provenance d’Afrique subsaharienne, a revitalisé le christianisme au Maghreb. Alors que l’Europe s’efforce de verrouiller ses frontières, la rive méridionale de la Méditerranée abrite des communautés migrantes s’étoffant au fur et à mesure qu’est entravé leur exode vers le nord. De couloirs de transit, ces pays se transforment à leur insu en espaces de sédentarisation propices à un réveil du christianisme, puisque ces voyageurs bloqués sont souvent catholiques ou protestants.

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