Entre calculs et fébrilité, comment l’Iran a réévalué sa stratégie régionale après l’attaque du Hamas contre Israël

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Le président iranien, Ebrahim Raïssi, lors des funérailles des victimes des explosions du 3 janvier, à Kerman (Iran), le 5 janvier 2024.

Un Etat agressif trahit, parfois, sa propre nervosité. En moins de vingt-quatre heures, l’Iran s’est affranchi d’une stratégie prudente observée depuis l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023, et la guerre déclenchée dans la bande de Gaza. Les 15 et 16 janvier, le régime a lancé une série de frappes en Syrie, en Irak et au Pakistan. Les missiles balistiques qu’il a tirés, en représailles à des attaques sur son sol et contre ses alliés au Moyen-Orient, se voulaient une démonstration de force. Ils ont aussi représenté un pari risqué, « une erreur de calcul » aux yeux des experts, provoquant une crise diplomatique avec Islamabad et une riposte en règle sur son territoire le 18 janvier, ainsi que des protestations appuyées de Bagdad.

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Depuis le 7 octobre, Téhéran a laissé ses affidés au sein de « l’axe de la résistance » ouvrir des fronts coordonnés au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen, en soutien au Hamas palestinien, tandis qu’il occupait le terrain de la diplomatie. Ses émissaires ont plaidé la fin de la guerre à Gaza et la désescalade régionale. « Le premier objectif iranien après le 7 octobre fut de ne pas tomber dans ce qu’il estimait être un piège israélien, celui d’une confrontation directe avec eux et les Etats-Unis, mais cela tout en dissuadant Israël d’étendre le champ de la guerre », analyse Ali Vaez, expert à l’International Crisis Group (ICG).

La stratégie que l’Iran a dès lors adoptée a été le fruit de tâtonnements, davantage que de calculs longuement mûris. « L’Iran a été surpris par le 7 octobre, qui a mis à terre ses calculs stratégiques préalables », souligne le spécialiste de l’Iran. Téhéran jouait la carte d’un apaisement régional depuis la signature, en mars 2023, d’un accord de détente avec son grand rival sunnite, l’Arabie saoudite. Des négociations indirectes étaient engagées avec les Etats-Unis pour obtenir une levée partielle des sanctions américaines. « Les deux pays prévoyaient de revenir à la table des négociations sur le nucléaire à la mi-octobre », précise Ali Vaez.

Crise de légitimité

« A un niveau stratégique, l’Iran essayait de parvenir à un nouveau niveau de dissuasion avec Israël, en mettant en place la possibilité d’une attaque multifront, du plateau du Golan, de Gaza, du Liban et de la Cisjordanie. Mais un essai en avril 2023 a montré que deux des fronts [la Cisjordanie et le Golan] n’étaient pas prêts », affirme encore l’expert de l’ICG. L’attaque sanglante menée le 7 octobre par le Hamas sur le territoire israélien, au prix d’environ 1 140 morts et de la capture de 240 otages, a bouleversé ce projet. Le slogan volontariste sur l’« unité des fronts » a rencontré la réalité des rapports de force et des calculs de risque. Au nom de représailles pesées au trébuchet, des fronts ont été allumés au Liban, en Irak et au Yémen, tandis que ceux de Syrie et de Cisjordanie restaient dormants.

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