le parti du président Tshisekedi devra négocier pour dégager une majorité à l’Assemblée

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Des partisans de l’UDPS célèbrent la victoire du président Félix Tshisekedi, à Goma, le 31 décembre 2023.

Il a fallu attendre près d’un mois, après le vote du 20 décembre 2023, pour que l’issue des élections législatives soit connue en République démocratique du Congo (RDC). Alors que les résultats de la présidentielle, qui ont consacré la victoire du président sortant, Félix Tshisekedi, ont été donnés dès le 31 décembre, ceux des législatives, qui se sont tenues en même temps, n’ont été annoncés que dans la nuit du samedi 13 au dimanche 14 janvier.

Initialement prévue le 3 janvier, la cérémonie d’annonce avait été décalée sine die par la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Pendant deux semaines, des dates contradictoires ont circulé sur les réseaux sociaux, traduisant l’impatience des 40 millions d’électeurs et des 23 000 candidats.

Le président de la CENI, Denis Kadima, s’est finalement installé au centre électoral Bosolo, à Kinshasa, pour égrener pendant une heure et demie, candidat par candidat, la liste des élus. Sans surprise, le parti présidentiel, l’Union pour la démocratie et le progrès (UDPS), arrive en tête avec 69 des 477 sièges attribués sur les 500 que compte l’Assemblée nationale. Les 23 restants correspondent aux circonscriptions où le vote n’a pas pu avoir lieu à cause de l’insécurité, notamment dans les territoires de Masisi, Rutshuru et Kwamouth.

« Négociations officieuses »

Mais le parti de Félix Tshisekedi, fraîchement réélu avec plus de 73 % des voix pour un second mandat, ne réunit pas à lui seul la majorité. « Y compris si on ajoute tous les autres partis satellites de l’UDPS », analyse Ithiel Batumike, chercheur à Ebuteli, un institut congolais de recherche sur la politique et la sécurité. L’Action des alliés et Union pour la nation congolaise (A/A-UNC), de Vital Kamerhe, le ministre de l’économie, ou encore le Mouvement de libération du Congo (MLC), de Jean-Pierre Bemba, le ministre de la défense, pourraient faire la différence. Les deux cadors ont intégré la majorité présidentielle lors du premier mandat de Félix Tshisekedi.

Pour l’heure, seul Ensemble pour la République pourrait devenir la principale force d’opposition du pays, pour la première fois dans l’histoire de ce jeune parti créé en 2019. Le mouvement de Moïse Katumbi, arrivé second à l’élection présidentielle avec 18 % des voix, obtient une vingtaine de sièges et se classe neuvième sur 71 formations candidates aux législatives. Un peu moins de la moitié d’entre elles n’ont pas atteint le seuil de voix nécessaire (1 %) et n’auront pas de mandataires. Parmi elles, l’Alliance des Congolais pour la refondation de la nation (ACRN), du Prix Nobel de la paix Denis Mukwege.

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Avec combien de partis Félix Tshisekedi devra-t-il faire alliance pour atteindre la majorité et ainsi nommer son futur gouvernement ? Les tractations avec les 44 formations politiques désormais représentées à l’Assemblée nationale ont commencé bien avant l’annonce des résultats. « Les négociations officieuses comptent plus que les voix », déplore un ancien député de la majorité qui souhaite rester anonyme. Cet élu n’a pas été reconduit mais assure avoir gagné dans son fief. « Les chiffres annoncés ne sont que la résultante de deals entre autorités morales », poursuit-il, dénonçant des « nominations plutôt que des élections ».

Par le passé, certaines des contreparties offertes aux députés en échange de leur allégeance avaient fait polémique. En 2021, les autorités avaient en effet offert des Jeep aux élus qui avaient intégré l’Union sacrée. A l’époque, l’UDPS était en bien plus mauvaise posture. Le Front commun pour le Congo (FCC), la coalition de l’ancien président Joseph Kabila, avait obtenu la majorité des sièges, contraignant le nouveau chef de l’Etat à gouverner dans une forme de cohabitation durant deux ans. Cette fois-ci, rien de tel. Le parti de Joseph Kabila, fort d’une importante assise territoriale, et les soutiens de Martin Fayulu, arrivé troisième à la présidentielle, ont boycotté les législatives.

Soupçons de fraudes

« Pendant que nous étions en campagne sur le terrain, les autres préparaient les machines à voter pour tricher », a réagi dimanche Josué Musa Toto, candidat malheureux de l’ACRN à Bukavu, dans l’est du pays, et proche de Denis Mukwege. Des irrégularités avérées par la CENI ont en effet entraîné, le 6 janvier, l’annulation de 82 candidatures en raison de fraude, corruption, violences et détention des équipements électoraux.

Trois ministres en fonction – Didier Mazenga, ministre du tourisme, Nana Manuanina, ministre déléguée auprès du président de la République, et Antoinette Kipulu, ministre de la formation professionnelle – et quatre gouverneurs de province sont concernés. En haut de la liste, le gouverneur de Kinshasa, Gentiny Ngobila, dont l’immunité a été levée le 9 janvier après que des poursuites ont été engagées par le procureur général. D’autres personnalités, comme des sénateurs et des députés, ont également été épinglées.

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Ces soupçons de fraudes pourraient expliquer le retard pris par la CENI. La compilation des résultats à la fois papier (obtenus avec les bulletins de vote) et électroniques (obtenus à partir des machines à voter) a aussi pris du temps, assure officiellement l’institution. « Or cette double compilation n’a pas été faite, observe Ithiel Batumike, de l’institut Ebuteli. Seules les voix électroniques ont été comptabilisées. »



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